Dans l’article précédant, nous avons vu qu’en 1300, l’Europe Occidentale avait atteint une « apogée économique ». Mais une grave crise l’attendait…
1. Que s’est il passé entre 1300 et 1400 ?
Il s’est passé beaucoup de choses, mais on peut remarquer les évènements suivants :
- Le retour de la famine en 1316.
- Le retour de la guerre à grande échelle en Europe de L’Ouest en 1337 : débuts de la guerre de cent ans.
- Le retour des pandémies : peste de 1348.
Notons au passage que la peste a « amputé» la population européenne d’un bon tiers en 5 ans (25 millions de morts). Sur le même territoire de l’Europe de l’Ouest, la seconde guerre mondiale a fait moins de morts (20 Millions hors URSS) !
2. Une cause énergétique ?
Je ne me hasarderais pas à dire qu’il y a une cause unique à cette crise. Comme toute crise, elle est la conjonction de plusieurs facteurs. Mais regardons la partie énergétique car c’est celle qui nous intéresse ici.
2.1. Une croissance basée sur des ressources finies
Les deux ressources la croissance des XI-XIIème siècles étaient :
- L’espace gagné sur la forêt pour cultiver.
- Le bois tiré de cette forêt pour construire et pour l’énergie.
Le bois est certes un matériau et une énergie renouvelable… mais à condition que chaque arbre coupé soit remplacé par un nouveau. Hors, au Moyen-âge, les forêts étaient remplacées par des champs et aucun arbre n’était replanté.
2.2. En Europe, on avait de la forêt, donc on n’avait pas d’idées
Quand il suffit de couper la forêt voisine pour :
- Construire les maisons du village
- Cultiver de nouveaux champs pour nourrir les hommes et les bêtes
- Chauffer les foyers
- Avoir de l’énergie pour les artisans (notamment les forgerons)
Pourquoi est ce qu’on se casserait la tête pour :
- Améliorer les rendements agricoles
- Isoler les bâtiments
- Trouver d’autres sources d’énergies
Et bien c’est le raisonnement que nos ancêtres ont tenu. Durant toute cette époque d’essor économique, les rendements agricoles n’ont quasiment pas bougé. La hausse de la production n’est venue que des nouvelles terres. La totalité de l’énergie est resté basée sur le charbon de bois (pas celui du sous-sol).
2.3. Les limites du modèle économique
Vers 1300, la France compte plus de 60 habitants au km² et presque plus aucune forêt !
A ce moment là, que se passe-t-il ?
- Il n’y a plus de terres nouvelles pour nourrir une population en croissance démographique.
- Il n’y a plus de bois pour construire bâtiments et navires pour le commerce.
- Il n’y a plus de bois à brûler dans les foyers et dans les forges.
Quand on n’a pas assez de terres pour nourrir tout le monde :
- On a faim.
- Ou bien on va piquer la terre de son voisin en lui tapant dessus.
Quand on n’a pas assez de matériaux pour construire des maisons :
- On ne peut plus les entretenir.
- Ou bien on va piquer les matériaux de son voisin en lui tapant dessus.
Quand on n’a pas assez de bois pour construire des bateaux :
- On a faim, parce qu’on ne fait plus de commerce.
- On a faim, parce qu’on n’a plus de poisson.
- On va taper sur son voisin pour lui piquer ses bateaux (quand il en a encore) !
Quand on n’a pas assez de bois pour se chauffer :
- On a froid.
- On va taper sur son voisin pour lui piquer son bois (quand il en a encore) !
Quand on n’a pas assez de charbon de bois pour travailler le métal :
- Les outils agricoles se dégradent et on a de moins bonnes récoltes, bref, on a faim.
- On va taper sur son voisin pour lui piquer ses outils (quand il en a encore) !
2.4. Les conséquences de la raréfaction des ressources en bois
Quand on a faim : on meurt… de faim
Quand on a froid : on meurt… de froid (ça arrive encore aujourd’hui en France).
Quand on fait la guerre à son voisin : on meurt (ou bien c’est lui).
Et… Quand on a faim et froid, même si on n’est pas mort de ces causes où de la guerre, la maladie s’en charge.
Au risque de faire une répétition, rappelons les faits suivants et leurs conséquences (voir §3 que c’est-il passé en 1300) :
- Le retour de la famine en 1316 = On a faim !
- Le retour de la guerre à grande échelle en 1337 avec notamment le début de la guerre de cent ans) = On se fait la guerre.
- Le retour des pandémies : Peste de 1348 = on est malade.
On constate donc une grande similitude entre la théorie et la réalité au 14ème siècle.
Conclusion
Encore une fois, je me garderai bien d’expliquer cette crise uniquement du point de vue énergétique car une crise est toujours multifactorielle. Mais force est de constater que l’absence de gestion durable de la ressource forestière à cette époque est un des facteurs du déclenchement de cette crise. Nous verrons ensuite les liens entre cette crise et notre époque.
(4 commentaires)
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PH
9 février 2014 à 15 h 15 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
Bonjour,
Il est normal de ne pas attribuer la crise du XIV ème siècle à l’énergie, mais il est étonnant de ne pas donner un panorama exact de l’énergie à cette époque. Il n’y avait pas que le bois, mais aussi la traction animale, qui est une autre utilisation de la biomasse pour fournir un travail et aussi de la chaleur dans les habitations. Ceci ne modifie pas le raisonnement car dans le deux cas on est ramené à une quantité de biomasse, donc à une certaine surface.
L’oubli assez fâcheux et étonnant pour un employé du secteur éolien : l’absence dans les trois parties de références aux moulins. Moulins à eau ou moulins à vent. Certes leur contribution est probablement marginale et augure de ce que sera celle de l’éolien aujourd’hui. Mais il s’agit d’une grande source d’énergie au Moyen-Âge. Pas seulement pour moudre le grain mais aussi pour marteler , dans l’artisannat.
Julien
10 février 2014 à 17 h 13 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
Bonjour,
Ta comparaison avec « la crise énergétique » du 14ème siècle est à mon sens très intéressante car au final elle respecte les mêmes loi que celle d’aujourd’hui à savoir la différence entre la quantité d’énergie demandée et la quantité d’énergie disponible!
Par contre pour répondre au commentaire de PH, à mon sens il n’est pas possible de faire une comparaison entre le moulin et l’éolien car il utilise la même force et le même mécanisme pour fonctionner mais ne produisent pas la même chose. L’éolien produit de l’énergie alors que le moulin n’en produit pas, il ne fait que de la transformation de produit.
PH
12 février 2014 à 11 h 45 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
Et Jancovici définit l’énergie comme ce qui est à l’origine d’une transformation d’un système.
admin
13 février 2014 à 10 h 52 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
@PH et @Julien,
En termes de panorama énergétique de l’époque, on peut effectivement citer les énergies renouvelables que sont le vent et l’eau à travers les moulins et la force humaine. Il n’en demeure pas moins que ces énergies avaient un but essentiellement mécanique. Mais Les postes énergétiques les plus conséquents à l’époque étaient (en partie comme comme aujourd’hui d’ailleurs) les besoins en chaleur pour les logements et « l’industrie ». Je fais exprès de nommer cela l’industrie, car, même si cela paraît surprenant et que cela restait artisanal, il y avait bien une industrie à l’époque. Le plus gros consommateur d’énergie de cette proto-industrie était la métallurgie. Hors, sans bois, pas de transformation de minerai en métal et pas de transformation de métaux en produits finis.
Ainsi, le bois était la source d’énergie la plus précieuse car susceptible de fournir de la chaleur à haute température. Il faut ajouter aussi que le bois avait deux autres avantages : un matériaux de construction de grande qualité et le fait de le couper apportait aussi de nouveaux espaces pour agriculture. En ce sens, le bois a n’a pas joué qu’un rôle énergétique dans cette crise !
Revenons maintenant à aujourd’hui. La comparaison que je faisais avec le moyen age est la suivante : bois à l’époque = pétrole (et gaz) aujourd’hui. Cela en plusieurs sens :
– Ressource finie
– Dépendance très forte de l’économie à ce secteur (alors, pour la nuance de PH, pas exclusive).
– Ressource pluridisciplinaire : chaleur, industrie, matériaux…
Une différence (assez marrante d’ailleurs). Hier, le bois était l’énergie essentielle pour chauffer, l’énergie mécanique étant réservée aux moulins. Aujourd’hui, le pétrole fournit essentiellement sur l’énergie mécanique via les transports. Autre chose assez marrante, et qui devrait nous servir d’enseignement : les éoliennes. J’affirme ici que celle d’hier était plus intelligentes ! Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, on fabrique de l’électricité avec. Donc un produit non stockable. Alors que jadis, elles servaient aussi de pompe à eau ! Un produit stockable dans des châteaux d’eau. L’intermittence et les a coups étaient donc moins préjudiciables !